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Laisse-moi s'il te plaît, me lover dans tes bras, permets-moi de m'y sentir bien, offre-moi le luxe de l'amour. Je veux savoir si ton coeur n'est pas une illusion, je veux sentir ses battements et l'odeur de ta peau. Je voudrais connaître le goût de l'amour, savoir la vie de ces femmes pendues à des bras et qui rient à pleine bouche sur des talons hauts perchés. Même une bouchée, qu'importe, ce que tu veux. On n'est pas gourmand de ce qu'on ne connaît pas. Je me contenterai de ce que tu donneras. Je me consume doucement, les flammes qui m'animent ont eu raison de moi. Les seuls bijoux que tu m'offres sont des éclats de verre, comme du Swarovski incrusté sur ma peau. Je suis un bijou ambulant, une rescapée du sentiment. Les larmes se mélangent à mon sang et sur mes seins coule à présent une grenadine amère. Vision d'amour, la seule qui t'excite. Ma douleur. Tu presses un peu plus sur les éclats, imprègne, enfonce les stigmates de l'amour. Ce n'est pas ton coeur que je sens vibrer. Ce n'est pas cet amour pour lequel je suis douée. Je me suis perdue dans cette illusion, les cicatrices que tu as laissées sur ma peau sont ancrées à jamais.

C'est dans du verre pilé que je me love depuis des années.

 

Je voudrais que cesse le bruit des caisses enregistreuses. Que cesse l'obsession du chiffre, de la démesure et des superlatifs. Du prix, du poids, du gros, du grand. Ta main sur ma b​ouche pour étouffer mes cris, retiens encore le bruit de la révolte. Appuie plus fort. Dépose sur la table les fruits et les légumes, enfonce-les jusqu'à la garde. Et pousse la balance, prends ma tension, écoute mon pouls. Pince ma peau, fais-en un jus d'orange. Et bois. Sans recracher. Avale la non conformité. Achève les quatre-vingt-dix B. Éteins la télévision, je ne veux plus savoir la guerre, la crise, les morts actuels et ceux qui, dans le silence, s'éteignent. Je ne veux plus rien entendre que la vie qui jubile, l'insouciance qui résiste et les rires des petits qui ne savent pas encore. Je veux qu'ils goûtent à l'enfance et aux rêves, aux arcs dans le ciel et aux trésors enfouis. Voir les étincelles dans leurs yeux innocents, les mêmes que nous avions avant de devenir des codes barres. Je ne veux plus être un chiffre, un numéro, une obsession. Je veux être une lettre majuscule, libre et heureuse ou redevenir des points de suspension…

...et chier dans le moule de la conformité !

Adieu l'amie,

Je crois qu'il est venu le temps de nous dire au revoir. C'était bien mais c'est fini, je le vois dans le reflet des pare-brises garés devant chez toi et dans l'absence de nouvelles que nous nous donnons. Ça n'est rien, ça ne fait presque plus mal. Il y a un temps pour tout, il paraît, je suis juste surprise que cette règle s'applique aussi à l'amitié. Mais ça n'est rien, je le répète et j'arrive presque à m'en convaincre. Je t'ai bien aimée mais j'aurais dû me méfier. On ne se méfie jamais assez de ceux que l'on traite comme ses frères, je t'ai jaugée comme une sÅ“ur et j'ai eu tort. Aucune amie sur terre ne saura remplacer une sÅ“ur  Mais ça n'est rien. Tu m'as remplacée depuis fort longtemps d'ailleurs. Je t'avais mise à l'honneur de ma vie mais j'ai fini par comprendre : tu ne peux avoir qu'une amie à la fois. Ainsi, mon tour passé, tu m'as poussée dans le puits obscur des amitiés périmées. Exit. Tu as besoin de nouveautés et j'aurais pu me recycler, innover pour toi, c'est dire si tu comptais pour moi. Mais tu ne m'as pas laissé le choix. Tu as achevé mes idéaux, saccagé à coups d'appels manqués ma vision de l'amitié. Mais ça n'est rien. Je ne veux pas savoir si tu es heureuse aujourd'hui, je te le souhaite c'est tout. Je sais qu'on peut souffrir d'amitié comme on souffre d'amour. Je sais que la déception est aussi puissante et tenace. Je sais que ça va être long de faire confiance à nouveau à une autre que toi. Je ne suis pas sûre d'y parvenir un jour. Mais ça n'est pas grave. J'ai connu le goût des amitiés maintes fois. Et des trahisons aussi. Ça laisse un goût amer que je voudrais pouvoir rincer à coups de gargarismes alcoolisés.
Si c'était si simple.
C'est ce que je ferais.

Je ne suis sans doute pas faite pour ces choses là.



Elle craint, tellement tout et tellement bien, qu'elle n'a plus le goût à rien. Elle craint le matin dans sa salle de bain, seule face à elle-même, le moment d'affronter son reflet. Elle scrute le moindre recoin de ce qu'elle n'aime pas, elle devrait faire deux trois pas en arrière mais elle n'y parvient pas. Elle préfère lorgner centimètre carré par centimètre carré sa gueule taillée au couteau, son cul trop gros ou ses seins trop mous. Elle craint le plaisir, le désir et l'envie de fuir. Elle craint la vie et la mort aussi. Ouvrir sa bouche, parler, obéir, résister. Elle craint d'exister mais refuse de mourir, la dualité à perpétuité n'en finit pas de la tirailler. Sa vie à elle c'est du bubble gum, des vieux bouts dégueulasses qu'elle mâche et remâche et qui n'en finissent pas de lui péter à la gueule. Ça laisse des traces, des traces qu'elle dissimule avec un peu de glace. Demain, elle s'approchera un peu plus près pour se confronter encore plus fort au dégoût de soi-même, plus près les points noirs, plus prêt les pattes d'oie et le temps qui passe. Demain, elle sauvera les meubles en se tenant aux murs lisses de son intérieur stérile et si tout va bien, elle sourira de l'extérieur.

Coincée dans cette idée qu'elle se fait d'elle-même, elle craint de se confronter aux autres et ne se supporte plus tout court.
Elle craint !

 

Des indices qu'on laisse tout au long de sa vie de ce qu'on aurait pu être ou de ce qu'on a été. Une écriture introvertie, une semelle usée, une boîte de cachetons à moitié vide, un môme prodigieusement instable. Des indices de tout et de rien comme autant d'étapes que l'on aurait ratées. Au pire. Au mieux, on force l'écriture à se relever un peu, on tente de marcher droit mais certaines choses sont immuables et la boîte que tu as entamée, tu vas la terminer.


Tu peux passer ta vie à te demander pourquoi cette salope ne t'a pas épargné et ruminer ça aussi longtemps que la médecine te le permettra ou te tirer une balle entre les deux yeux, tout de suite, sans préavis ni sommation mais tu peux aussi te toucher et en avoir rien à foutre, te caresser la raie avec du papier de verre gros grain et te dire que de toute façon et quoi qu'il arrive, c'est plié.


Alors tu vas continuer de semer des indices, éparpiller les traces de tes sales habitudes, répandre ta crasse et projeter des insultes à quiconque tentera de te remettre dans le droit chemin. Tu veux bien tout, ça n'est pas le problème, tu es plutôt de bonne composition, néanmoins, car il y a toujours un néanmoins, tu le sais, le môme instable est devenu adulte, et rien n'est plus coton à mater qu'un adulte instable. Alors tu vas continuer de jongler avec ces trois solutions jusqu'à ce que mort s'en suive parce que tu n'as jamais été foutu de prendre une décision. Tout ce que tu sais faire, c'est traîner ta savate comme un condamné à mort, écrire de traviole et effacer les indices de ton insoutenable vie bancale !

 

 

Avant que l'alcool ne s'évapore...

 

Elle se meurt, en vérité elle est déjà morte. C'est la fin et il ne reste rien. Le diagnostic est tombé quelques mois plus tôt et tout est allé très vite. Les douleurs et la solitude aussi. La morphine et le foulard. Ils se sont tous défilés un à un, la soeur, l'amie et le Saint-Esprit. Tous, sans exception. Comme si elle avait besoin de ça. Pas un coup de fil, pas une tasse de café, pas une tape sur l'épaule. Elle s'est battue seule mais n'a pas lutté longtemps. Son armée à elle était bien trop petite. Elle est allongée sur un petit lit blanc et froid, le bord des draps est brodé en bleu. Elle respire grâce à des fils reliés à des appareils produisant des petits sons secs qui lui claquent les tympans. Quand un médecin rentre dans sa chambre, elle n'espère même plus une visite. Sa sœur lui a dit qu'elle passerait mercredi, après la sieste de la petite. Elle repense aux dernières vacances tous ensemble. C'était il y a un an. Presque jour pour jour. Elle se souvient du goût du whisky qu'elle avait bu dans ce pub. Elle ressent la brûlure sur sa lèvre supérieure et dans sa gorge aussi. Un soupir alcoolisé s'évapore dans le fil de plastique aseptisé. La petite va être déçue, tata ne sera plus là quand elles arriveront. Samedi ils en profiteront tous pour dire des jolies phrases qui font pleurer. Ça sera une de ces journées qui laissent des souvenirs de gorgées de whisky.

 

J'avais placé sur mon coeur une pierre sacrée, une pierre lourde et froide sur laquelle j'avais tout misé. Je l'ai laissée là en attendant de voir si c'était possible d'avancer et d'être heureuse en même temps. Cumuler le bonheur sans trop se mouiller, c'est comme apprendre à marcher seule et refuser de tomber. Le soleil tapait sur mes tempes douloureuses et mes pas refrénaient mon envie d'avancer. Pourtant il le fallait, je le savais, me forcer à chaque fois et pourtant à chaque pas, ce sont mes genoux que je posais au sol. Inutilité d'un cri poussé à contre vent, un cri qui retourne de là où il vient en oxymore sourd et puissant. Et cette douleur comme une danse inquiétante de ne pouvoir poser un pied de côté, de devoir le déposer bien droit, proprement, sans baver ni déraper. L'un après l'autre, et encore, et encore. Avancer quand même avec cette peur de tout foutre en l'air, une épée de Damoclès plantée dans mon coeur. Et ce choix qui s'impose, l'alternative de deux vies dont aucune ne me convient tout à fait. Cette pierre à présent, je la pousse de toutes mes forces et je la traine aussi. Ecrasée par son poids, sa masse, son imposante conséquence, je me dis que c'est vrai, le bonheur parfois dépend de ce qu'on ne sait pas.

1969-1980

Les volets sont fermés depuis le début de la semaine. La fin de l'année annonce une nouvelle dépression. Cloisonné, isolé par nécessité. Il fait le vide dans sa tête, il fait le tri dans sa vie. Il n'a pas peur, il est indestructible. Il sait qu'il rira à nouveau. Mais pas maintenant. Pas encore. 

Il a poussé le rocher devant sa porte d'entrée. De toutes ses dernières forces. Epuisé. Comme un besoin primitif de fermer sa grotte à clé. Mettre un gros caillou sur son coeur, se fermer au monde et attendre le début d'une nouvelle ère. Il hiberne. Il est la tortue que l'on range dans le bac à légumes. 

Bientôt quelqu'un lèvera le loquet et laissera pénétrer doucement un haillon d'argent. Bientôt, pour ne pas le brusquer. Doucement, pour ne pas l'aveugler. Pour le protéger encore un peu et l'épargner un instant de la laideur du monde. 

Il exécute avec brio son rituel annuel. Il sait que cette année une amie viendra frapper derrière ses volets trois petits coups, un petit air vaguement familier pour lui rappeler qu'il est l'heure à présent de vivre franchement. 

Elle abaissera ses petites lunettes rondes et lui murmurera quatre petits mots qu'il connaît par coeur, quatre petits mots qui lui mettront du baume au coeur… 

"It's just me…"

La fin des cons ! 

La fin du monde, la fin du monde. Et le vent qui souffle dehors depuis une semaine, serait-ce un prélude ? Avouez que ça vous fait flipper, un peu quand même ! Moi, le bunker est déjà installé depuis des mois, voir des années, dans un coin de ma tête. Je me prépare à l’apocalypse parce que je sais que ça peut arriver à tout moment. Pas jeudi, ni vendredi et encore moins samedi, surtout que j’ai un truc de prévu et que j’ai déjà acheté ma tenue, ce serait vraiment trop con ! Non, à tout moment, tout peut disparaître ! Toi, qui lit, lui, qui chie, l’autre qui se fait faire une french manucure dans un salon de pétasses botoxées, maman terrassée d’une crise cardiaque devant les feux de l’amour, pépé trouvant «sodomie» aux chiffres et des lettres, Minette du treizième étage, le facteur devant les avis d’imposition et même Johnny sur son yacht de trente-six mètres ! Pardon pour les fans, Bugarach étant moins glamour que Saint-Trop’, je suis au regret de vous annoncer qu’il périra aussi ! C’est Fincher qui l’a dit, le luxe est un péché ! L'apocalypse pour moi, c’est tous les jours et à chaque instant mais à l’abris dans mon bunker, je sais qu’il ne m’arrivera rien ! Je suis planquée, tapie, croupie, l’apocalypse a déjà commencé à l’intérieur de mon moi. Je m’y prépare depuis des années et je n’ai pas peur, surtout que j’ai vu Naples avec Vincent, décédé deux ans plus tard. Si je dois mourir à 32, et pas à 33 ans, comme le Christ, j’en ferai pas un fromage de brebis galeuses ! J’ai jamais été tenté par les couronnes d’épines, j’en ai déjà une dans la bouche et ma molaire 16 m’a coutée un bras ! On va arrêter les frais, ma mutuelle va finir par découvrir le pot aux roses ! Faut pas croire tout ce qu’on vous raconte à la télé, surtout que les Mayas, ils l’avaient pas, la boîte à images ! 

De toute façon, faut vraiment être con ; la fin du monde c’est pour 4013, comme me l’a prédît hier ma place de parking Chauchat-Drouot !

Fait divers. 

 

La jeune femme de trente ans et des pailles a sauvagement assassiné son conjoint et ses enfants à coups de tesson de bouteille avant de se jeter du haut d’un immeuble, son livre préféré à la main. De cet objet, on a retrouvé uniquement la tranche. Ça commence comme un fait divers bien que nous sommes en automne. La saison l’a toujours rendue morose. Elle avait bien tenté de prévenir les gens autour d’elle, en faisant des appels de phares mais on lui a dit de calmer ses ardeurs. On lui a dit qu’elle en faisait trop. Elle écrivait la souffrance des autres, priant pour qu’un jour quelqu’un fasse l’amalgame mais ça n’est jamais arrivé. Pourtant quand elle parlait d’infidélité dans ses textes, c’était là une toute autre histoire. La voir comme une chienne, une salope, c’était plus facile. Mais voir la douleur, c’était se sentir obligé de tendre une main. Alors ils avaient mis des oeillères, des grosses oeillères de cuir épais. Et malgré l’odeur de vieux canasson bon pour l'abattoir, c’était toujours plus agréable que la souffrance de l’amie qui, en temps normal, les faisait rire. Elle les a tous regardés se défiler, les amis, la demoiselle d’honneur, la marraine du petit, la collègue du bureau, tous, un à un comme si c’était fête nationale toute l’année. Elle est là, elle étouffe. Ecoeurée pour de bon d’y avoir cru si longtemps. Elle n’a presque plus peur, elle a toujours su que ça finirait ainsi. L’écriture l’a sauvée jusqu’à ce jour, ç’a marché un temps, c’est déjà bien. Le livre qu’elle avait commencé à écrire était pourtant relativement drôle, enfin, elle trouvait. Elle avait beaucoup misé dessus, elle pensait que ça la sauverait pour de bon. Mais on a beau fuir, fermer les yeux, essayer de relever l’échine, quand respirer se fait douleur, lutter ne sert à rien. Elle sert fort son petit livre qu'elle a reniflé une dernière fois, elle a toujours aimé faire ça, coller son nez au milieu des pages et laisser les maux s'estomper doucement. L’apaisement la gagne, elle en profite. Elle ferme les yeux et inspire très fort avec ses quatre diaphragmes, c’est la première fois qu’elle y parvient. 

Elle n’a pas laissé de lettre, elle avait déjà tout dit durant toutes ces années.

 

 

 

En attendant. 

En attendant je croise mes jambes, je fais le point et pose des pierres. En attendant je pense à moi, pour une fois. Mon sac est beau, posé au sol sur le carrelage, comme une peau morte sur du marbre froid. Il attend qu’on vienne le chercher, qu’on le prenne par l’anse, qu’on l’emmène ailleurs et qu’on lui passe du beurre. Ça fait longtemps qu’on n’a pas pris soin de lui. Nous sommes deux peaux mortes, lui complètement, moi pas tout à fait, on se regarde, on ne se parle pas, il me comprend. Il sait que je pense aux autres et je sais qu’il ne faut pas, parce qu’on n’est pas là pour eux, je sais tout ça ! Je lève la tête, un aquarium avec un poisson, un énorme poisson aux yeux globuleux me regarde de temps en temps. Il tourne en rond dans le récipient rectangulaire. Il ressemble aux préjugés des gens que je connais, imposants, moches et coincés dans leur bocal. Ils me font plus peur que la réalité elle-même. Ils ont la compassion myope, quand la douleur est trop proche, ils ne la voient pas. Il faut qu’elle s’éloigne pour qu’ils la digèrent un peu. Ils mâchent et mâchent encore et ce qu’il sort de leur bouche, c’est de la bile infecte et puante, des théories fumeuses dont ils sont éminemment fiers ! 
En attendant j’attends, dans cette salle d’attente d’antan. Je compte le temps qui passe. Je regarde les gens bizarres qui sont ici pour les mêmes raisons que moi. Ils ne me font pas peur, je les connais bien. Le poisson de douze grammes n’a pas bougé, il me regarde et je voudrais lui enfoncer ma clé de bagnole dans ses yeux dragibus. Il me fait bien plus peur que le monsieur a béquilles qui braillent que c’est quatre-vingt-cinq euros la journée et qu’il faut rester trois semaines sinon, ça sert à rien. Et une mutuelle, on a une mutuelle nous ? Mais tu m’emmerdes ! Parle moins fort putain ! lui braille une dame qui doit être sa femme. L’amour n’est plus. Elle veut juste le déposer et se casser en courant, elle l’accompagne par devoir mais on sent, à ses clés qu’elle agite, l’impatience d’être loin. Elle a mis une robe et elle envoie des messages pour dire qu’elle sera en retard, que ça va être un peu plus long que prévu finalement. Ne t’inquiète pas, je me dépêche, installe la peau d’ours devant la cheminée et fais décanter le vin. Je largue l’autre taré et je suis tout à toi mon gros matelot ! 

C’est à cause d’eux si je suis là. Parce que j’ai décidé de ne pas devenir un sac en cuir devant un aquarium en verre.

 

Ne m’appelez plus jolie sirène !

J’ai longtemps cru que c’était moi, la moisissure, le cancrelat et je me suis trompée à chaque fois. Je ne suis pas cela, je suis mieux que toi. Je ne suis ni ta sirène ni ton canari et ta puce, encore moins ! Je suis à la limite ta termite ou ta mycose. Adopte-moi, je vais pourrir ton existence, ta réputation et les pneus de ton break familial. Révise ta grammaire et ton algèbre, arrête la poésie et recalcule bien : toi et moi, ça ne fait pas nous ! Toi et moi, ça fait rien du tout ! Ni aujourd’hui, ni demain ! Regarde là-bas au loin si j’y suis et cours vers moi si tu m’y vois ! J’ai dénoué tes lacets, tu vas t'emmancher la gueule dans une vitrine et finir empaler dans une corne de renne. Merry Christmas connard ! Je te vois, je t’imagine et je me marre, la gueule en sang, deux dents en moins ! Tu n’étais déjà pas terrible mon pauvre garçon ! Mais pour qui tu t’es pris pour oser me nommer ainsi ? T’as cru que j’étais séduite ? Non sérieusement, t’as pas cru ça ? C’est bientôt Noël mais faut pas déconner quand même ! Je mets longtemps, c’est pas mon genre, traiter les gens comme du caca, j’aime pas trop ça en général ! Mais là, je jubile et c’est grâce à toi, oui, comme quoi tu vas y parvenir à me donner du plaisir ! Je vais te traiter comme une grosse merde, la trace que mon mec laisse au fond du chiotte en partant le matin, à présent portera ton nom, fidèlement laid ! Yvan, on n’a pas idée quand même ! Tu vas me détester et me traiter de salope mais n’oublie pas un truc mon pote ; l’enfoiré c’est toi !

à 90°


Il se mouche sur sa main, la partie charnue entre le pouce et l'index, j'ai beau bosser dans le milieu médical, je ne sais pas comment elle se nomme. Comme les os du corps, radius, cubitus et cunilingus. Je préfère les noms de nuages mais ça n'est pas le sujet. Il se mouche avec sa main et la tend pour me saluer. J'ai la nausée. Il va crever, bientôt, c'est sûr. C'est une question de mois à présent, il a du pus dans la tête, du pus sur le nez et les joues. (Je cite ce que je vois et n'imagine pas le reste de son corps (bite et couilles comprises)). Ses mains sont pleines d'urticaire. Il baragouine un truc incompréhensible pour le reste du monde mais dans sa tête à lui, sa tête pleine de pus ça à l'air clair parce qu'il se marre comme un con ! Il est laid, mon dieu qu'il est laid ! On croirait que son pif va tomber par terre ! Je lui serre la main à contre-coeur. Il est mécontent, il trouve que je n'ai pas serré assez fort, il me demande si ma main est cassée. Il me tend à nouveau la sienne et je m'exécute. Cette fois, il serre très fort et je peux sentir les croûtes sur ses doigts et dans sa paume. Je fais un beurk dans ma tête. Je regarde sa main, sans faire exprès, et je vois la morve collée et les squames comme des pellicules de peau. Je cherche un flacon d'alcool et j'appuie six fois sur le bitonio. Je frotte mes mains entre elles, entre les doigts et sous les ongles. Je gratte à sang avec un ouvre-lettres. Il est là et me regarde. Il tend ses mains vers moi, ses mains dégoulinantes de pus. J'appuie huit fois, quatre fois par main, deux fois par face. Il gueule que ça brûle. Il me traite de putain et de plein de noms d'oiseaux. Je suis une salope asociale et il va crever. Et je me marre comme une conne, comme si j'avais moi aussi du pus plein la tête !

je comprends je comprends les femmes qui ne font plus d’efforts les femmes qui s’en foutent qui se laissent périr dépérir et puis qui meurent tristes les femmes à qui on a oublié de dire je t’aime tu es belle je serai toujours là pour toi je comprends je comprends combien elles ont dû espérer combien elles ont dû attendre souffrir pleurer se résigner se vider s’assécher devenir tristes malheureuses maussades heureuses tristes résignées défuntes je comprends celles qui ont cessé de se trouver belles je comprends et je préférerais ne pas comprendre elles aimeraient avoir chaque matin envie de se faire belles envie d’être aimables douces attentives non elles s’en foutent au bout d’un moment bien entendu qu’elles s’en foutent et qui pourrait leur reprocher qui franchement non je les comprends elles ont tout fait tout pour que ça se passe bien mais elles n’ont rien eu en retour rien pas un je t’aime pas un heureusement que tu es là que ferais-je sans toi non rien pas d’artifice rien alors voilà elles ont jeté l’éponge l’ajax et le lustreur et toujours rien pas un tu es belle mon dieu que tu es belle aujourd’hui et même hier alors pourquoi pour qui pour personne parce que tout le monde s’en fout lui eux et puis finalement elles aussi je comprends celles qui ne s’épilent plus ne se maquillent plus et portent des survet’ je comprends celles qui bouffent fument pètent insultent crachent rotent les poilues les connasses et les morues oui je les comprends

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