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Journal d'une malade sentimentale.

( ceci est une fiction, ni plus, ni moins.)

Divorce.



​Le chien. La crevure. Il te quitte. Et en plus, t’es enceinte. L’infâme porc. T’es sonnée par la nouvelle. Prendre une décision, vite. IVG ? Pas IVG ? Consentement mutuel ? Pension alimentaire ? Combien ? Combien tu veux putain ? Tout s’est passé si vite. T’as rien vu venir. En cinq jours, c’en était fini du bébé. Tu saignes beaucoup. Sensation de vide. Il manque quelque chose à l’intérieur. Un bébé bien sûr, mais pas seulement. C’est de tes tripes que tu as avorté. Tu viens d’expulser ce qu’il restait d’humain en toi. Tu saignes et tu défèques. Tu te chies dessus. Littéralement. En sortant le minuscule corps, l’infirmière l’a déchiré en deux, oubliant l’autre morceau dans ton utérus. On te conseille un accompagnement psychologique. Une année au moins. T’as eu la garde de ton ainé. Secoue-toi. 

 

T’as le regard qu’est déjà loin, on sent que la vie n’est plus tout à fait là. Tu répands ta blessure, elle suppure. Tu ne parviens pas à cacher ta rage quand tu regardes le monde rire à coté de toi. Tu cherches ta place, t’en veux aux autres d’être heureux, d’être deux, de s’aimer. Les questions font des pirouettes dans ta tête, ça fuse, ça s’agite et ça gicle. Tu sais plus à quoi ça ressemble ; le bonheur. Tu doutes, tu pleures, tu cries. Tu t’endors en te serrant très fort dans les bras. Tu simules une vie de couple pour effleurer la normalité. Et quand tu te réveilles, y’a plus personne au fond de ton lit. Alors tu pleures encore. Tu crois en crever. T’arrives pas à supporter l’abandon. Ça fait mal au fond de toi, t’évites d’y penser, tu te concentres sur l’essentiel, t’oublies ta souffrance, t’oublies tes douleurs, tu t’oublies. Pour aller mieux, tu penses à ton môme. T’as les yeux chagrins un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

 

 

Ton fils.

 

Tu te coupes du monde. Tu es contagieuse. Les mecs de tes copines laissent plus leurs femmes te fréquenter. T’as plus d’amie. T’es seule et tu crèves  comme une merde dans ton T2 bis. T’as perdu du poids. T’es fatiguée. Hospitalisée. Convalescente. « Mon ange, je t’ai promis que je serai pas comme lui. Cet enculé de chien malade. Qu’il aille se faire foutre. Allez bonhomme, j’te paye un burger ? Pis après on se fera un cinoche ! Le dernier Pixar. Au fait, je t’emmène en Corse cet été. T’es content ? Oui, tu t’en fout, t’as que trois ans.» Un nouveau mec chaque été parce que tu te sens incapable de partir vraiment seule. D’affronter tout ça ; les vacances, le bonheur. Tu ne sais traiter que l’urgence des situations périlleuses. Être sur le fil, palpiter, souffrir mais vivre quand même. Sauf que dans ton périple, t’emmènes ton gamin. Léo, ton lion sur tes ailes cramées de papillon déglingué.Tous les jours, à sa façon, ton fils te sauve. Sans s’en rendre compte. Quand tu le vois rire, quand tu le regardes courir, quand la vie s’empare de lui. Sa bouche ouverte, ses lèvres humides, ses petites dents blanches. Il t’insuffle la vie et envoie valser ton chagrin. C’est avec lui que tu partages tes nuits à présent, tu t’es lassée de tes bras, tu as cédé aux siens. Tu sais que c’est mal mais tu ne luttes plus. Le soir, la douleur l’emporte, la solitude pèse trop lourd alors tu soulèves ta couette pour y laisser pénétrer son petit corps d’enfant. Tu cherches un terrain d’entente, les jurés ne sont pas loin, ils te surveillent. Au dessus de ta tête plane cette interdiction formelle de flancher. Jamais. À aucun moment. Et sous aucun prétexte.

 

 

Vie sexuelle.

 

Des histoires d’amour rapides pour occuper ton cœur et penser à autre chose. Tu cherches à remettre ton bonheur dans les mains d’un autre. C’est une quête ridicule et vaine parce que la vie d’une mère célibataire, c’est surtout des plans culs. Foireux. Discrets. Plus foireux. Moins discrets.

 

Y a le type qui rugit. Celui qui couine. Celui qui en a une énorme, de la taille de ton avant-bras. Tu t’en sers de porte manteau, pour rigoler un peu. Mais ça fait rire que toi. Lui voudrait baiser. Retire tes sapes. Et ferme ta gueule. À chaque fois, une nouvelle blessure. Ce manque de respect. Mets-toi à quatre pattes et cambre-toi un peu.

 

Y a le radin à petite bite. Le genre de handicap où le meilleur moyen de combler ça, c’est d’avoir du fric. Pour se payer des sacs à mains à prix exorbitants ou des godemichés télescopiques. T’as honte d’être avec ça, il se comporte comme une gonzesse, fait des manières et glousse comme une riquette. Il pinaille pour quatre sous quand tu veux juste du rabe de bite. Tu l’as quitté, à l’aéroport. Il t’a demandé pourquoi. T’as pas pu lui dire. T’as dit qu’il était trop bien pour toi. Et tu t’es cassée.

 

Y a le mec qui s’accroche et que t’arrives pas à jeter. Qui te menace de se suicider. Qui met la photo de son défunt père au milieu de ton salon et t’interdit de répondre au téléphone. Qui s’incruste, te fait livrer son sèche-linge au bout de trois semaines parce que c’est plus pratique si je passe le week-end chez toi, vu que je suis routier à la semaine. Je vais rendre mon appart’, on fera des économies. Quoi ! Tu fais la gueule ? T’aimes pas Johnny ?

 

Y a ceux qui te quittent avant même que ça commence. Ceux où t’as pas compris. Ceux où tu aurais préféré ne pas comprendre. Le type qui passe quatre jours chez toi, demande à connaître ton fils, semble heureux. Te dis qu’il t’aime, qu’il n’a jamais été aussi bien. Il parle de toi à ses parents, envisage de te présenter. Fait des cunnis avec son front. Tu descends un matin, il te tient par la main, il t’embrasse, il te dit encore qu’il t’aime. Et il te dit qu’il te quitte. Il est sept heures vingt et ça caille. La semaine commence fort. La Toussaint approche, va falloir penser à aller dire bonjour à mamie.

 

Y a les week-ends qui tombent à l’eau parce que le monsieur a eu un empêchement. Un séjour à Rome annulé la veille du départ. Le même monsieur qui se sauve en pleine nuit juste après un coup de fil de sa cousine. Y a les larmes qui coulent.  Y a l’humiliation. Y a les mensonges, la médaille qu’on retourne pour cacher un prénom. Une soirée à chuchoter dans un appartement où pendent des strings taille basse. Y a une pauvre fille qui a du caca dans les yeux et la peau sur les os.

 

Et y a les amoureux qui prennent de tes nouvelles et te payent des trucs. Ceux-là, tu ne les auras jamais. Parce qu’ils sont trop mariés. Où trop vieux. Tu te dis que c’est con quand même, la vie. Tu mets ça dans un petit coin de ta tête et tu essayes de plus y penser. Et puis, tu le croises, tu renifles le col de sa chemise, profite d’une simple caresse, aime penser à lui. Le temps d’un instant, ça apaise tes souffrances, même si cet instant n’existe que dans ta tête.  Parce que l’amour, ça semble être ça chez toi ; un truc irréel.

 

 

Re-mariage.

 

Et puis, un jour, tu te poses. A nouveau. Tu te sens bien. T’as envie d’y croire. T’as même l’impression que c’est ton tour. Et t’emménages. Tu fais un bébé. Et tu te maries. Encore une fois.  Bordel, tu y crois. Y’a la petite princesse et ses boucles  aériennes. Ses joues moelleux au chocolats, comme disent tes nièces. Y a les mômes qui jouent dans le jardin et les dimanches barbecues. Et y a la routine qui s’installe. L’envie de liberté. Tu l’étouffes. Il en peut plus. Il a  besoin d’air. Y a les mêmes questions, les mêmes absences de réponses. Les pourquoi. Les comment. Les je reste. Les je pars. Y a l’envie des bras de l’autre. Et puis ça repart. Jusqu’à quand ? Combien de temps tu vas tenir ? Tu ne le sais pas toi-même.

 

 

Epilogue.

 

T’as échoué. Depuis le début, tu échoues. Tout ce que tu touches, se brise. Tout ceux que tu aimes, meurent. T’as même failli tuer ta mère à la naissance, c’est dire. Finalement tu es habituée à vivre de cette façon. Dans la souffrance et le rejet. Tu sais pas trop pourquoi d’ailleurs parce que ça pourrait être chouette. Mais ça l’est pas. Ça ne marche pas.  Tu n’y arrives pas. Tu te retrouves un matin, encore une fois, le nez devant un jugement de divorce et le cœur lacéré à coups de cutter. Tu négocies la garde alternée, ta pension alimentaire, ta part de la baraque, la moitié du service à café et l’écran plat du salon.  T’es pas enceinte, c’est déjà ça.



 

 

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