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"INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS."
Sortie le 20 décembre 2013 aux Editions Gros Textes 

 

 

 

 




Viscéral

 

Je vais arrêter d’écrire. Je vais arrêter d’écrire. Je vais arrêter de lire et de réfléchir. Je vais allumer la télé et m'anesthésier. Poser mon cul, le rendre mou et confortable, un gros coussin de capitons graisseux. Je ne vais plus me tripoter devant les films de cul, je fermerai les yeux comme un truc honteux. Je vais brûler ma bibliothèque et chier sur mon clavier, troquer mes exemplaires dédicacés contre des mini jupes en jeans et des vestes cintrées. Je vais boire de l’eau et manger des cakes, des cakes aérés aux olives vertes. Je ne toucherai plus à l’alcool, je prendrai le céleri de tes Bloody Mary et j’en ferai des soupes. Je vais faire les courses et suivre la liste, au mot près, à la virgule et je ne changerai plus les prix dans les magasins. Je mettrai mon régulateur de vitesse et j’arrêterai d’insulter les flics. Je nettoierai mon réfrigérateur à la javel, tous les mois avec des gants en caoutchouc et je laverai mes fruits avant de les croquer, à l’eau, pas à la javel. Je vais devenir saine, du dedans et du dehors, purifier mon âme et mes intestins, faire pousser mes cheveux et arrêter de fumer, prendre un accent suave et imiter Monica. Je vais appeler ma mère et lui parler de mon rêve. Je lui raconterai ma vie aussi, ma petite vie de merde. Elle me comprendra parce qu’elle a la même. Je vais appeler mon banquier et lui demander pardon. Je vais me mettre à genoux et sucer mon patron. Je vais être sage, je vais arrêter de faire des vagues. Je vais prendre soin de toi, je vais t’embrasser dans le cou sans sortir les crocs. Je vais t’aimer comme il faut, sans en faire trop. Je vais te laisser me sodomiser le dimanche et j’avalerai ta semence en milieu de semaine, pour que ça ne te fasse pas trop long à attendre. Je vais apprendre les bonnes manières et je vais te faire honneur.

 

Je vais arrêter d’écrire. Je vais arrêter d’écrire et je vais mourir.

L'équipe de "Interdit aux moins de 12 ans." au complet ! Dans l'ordre, Annick, Alex, Lili, Ruth Grutt et Brigitte.

Grâce à M. le Photographe, vivez nos soirées en photos !

(et suivez le lien fb)

L'expolecture du 29 janvier 2014, salle de la Poterne à Sens.

L'expolecture à Ma Pomme en colimaçon, Paris, le 1 mars 2014. 

Canicule

 

Elle compte sur ses doigts, un, deux, trois… Mince, il en manque un. Elle a beau recommencer, compter et recompter, il en manque un à chaque fois. Elle se demande si elle n'a pas rêvé, fait le chemin dans l'autre sens, regarde partout, soulève les jupes, enfonce des portes. Elle était sûre de les avoir tous emmenés. Ils ont passé la journée dans ce foutu parc sous cette chaleur caniculaire. Elle avait décidé de les sortir un peu. Voilà des mois qu'elle végète chez elle. Son mari s'est barré, faut dire que quatre mômes, ce n'est pas jouasse. Elle est restée, les petits derniers n'ont que trois mois, elle allaite, elle sentait bien qu'elle n'avait pas le choix, qu'elle devait assumer. Elle était un peu furax puis s'est fait une raison ; à quoi bon de toute façon ? Elle va aller à l'accueil faire un appel micro, peut-être que quelqu'un l'aura vu. Elle attend. Personne ne vient. Les autres pleurent, ils ont faim, ils sont fatigués, ils ont ceci, ils ont cela. Elle est à bout et finit par céder. Ils se dirigent vers le van, le plus grand pousse la poussette, le second pleure et ses larmes ont fait des traces sur ses joues dégueulasses. Il a étalé sa morve sur le gilet violet de sa mère. Elle essuie d'un revers de main et se nettoie sur son jeans. Elle se dit qu'elle va les mettre dans la voiture et retourner au parc chercher le quatrième. Elle se dit qu'il fait encore chaud et que l'orage va éclater. Elle se dit tant de choses en appuyant sur le bouton de l'ouverture centralisée. Il fait une chaleur de bête mais elle sourit ; elle a retrouvé le petit dans l'auto. Pendant qu'elle plie l'énorme poussette, elle réalise qu'elle a le tee-shirt auréolé de lait. Le petit a les lèvres sèches, elle lui avait laissé un biberon d'eau mais visiblement ça n'a pas suffi.

 

On l'enterre jeudi, mercredi c'était complet.

 

Foutue canicule.

 

Selles de mère

 

Elles sont l’une en face de l’autre, accroupies dans la baignoire remplie à moitié, leur menton sur leurs genoux, parfois elles lèchent un peu les petites croûtes. Elles se regardent mais ne se parlent pas. Elles se regardent et ça suffit. Elles ont les yeux rouges. Elles ont froid. Elles courbent le dos, elles courbent l’échine. Pas un bruit dans la salle de bain. Elles sont là-dedans depuis dix minutes, elles attendaient ça depuis une semaine, se laver. Ellessont là-dedans depuis dix minutes, c’est le temps pile-poil qu’il leur a fallu pour retirer les poils de cul laissés par maman et papa. Un à un, avec leurs petits doigts d’enfant, elles les emmènent jusqu’au bord de la baignoire, sans les prendre directement sinon c’est pire pour s’en débarrasser. Quand le poil est sur la paroi, elles le font glisser jusqu’en haut, puis les alignent pour faire une file indienne, une file indienne de poils de cul. Il y en a partout, sur l’eau, dans l’eau, sur les parois, sur leur peau d’enfant. Ça les dégoûte. Elles n’ont pas besoin de se le dire. Elles se comprennent. Elles se sont toujours comprises. Sans un mot. L'humiliation n’a pas d'épitaphe et la douleur, pas de notice. Les mots ne servent à rien. Leurs yeux sont leur moyen de communication car ici le silence est requis. Elles sont là-dedans depuis douze minutes et l’autre se met à gueuler qu’il va falloir sortir, que c’est pas bientôt fini de faire ses demoiselles quand on n’a pas trois poils au cul. Elles sortent sans se laver, elles ont trempé leurs petits corps treize minutes sans bouger ; en respirant tout juste. Elles se sentent sales et elles savent bien qu’il faudra attendre dimanche prochain pour prendre un bain.

 

Un bain de poils.

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