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Je m’appelle Maggy mais mon prénom aura été modifié afin de maintenir l’anonymat de mon témoignage. J’aurai 40 ans en juillet mais mon mois de naissance aura aussi été modifié et ce pour la même raison. J’ai deux enfants et ce sera tout ce dont vous apprendrez d’eux. Depuis 8 ans, je tente de me débarrasser d’un problème médical et c’est ma fleuriste qui m’a soignée. A 40 ans, je n’ai plus aucune confiance en la médecine alors je prie chaque jour pour avoir de moins en moins affaire à elle. Je suis athée mais je prie quand même bien que je ne crois pas plus en dieu qu’en la médecine. Je ne crois pas en la politique non plus, tu vas me dire. En fait, je ne crois plus en grand chose. A part en l’amour et au pouvoir des fleurs.

 

Après la naissance de mon second, et dernier, enfant, j’ai subi un très sévère dérèglement hormonal. J’ai été emmenée d’urgence en unité psychiatrique car je voulais mourir. J’avais tout bien expliqué à mon mari. Comment s’occuper des enfants après mon départ et quoi leur dire, que maman les aimait très fort mais que vivre pour elle, était devenu trop douloureux. Mon mari m’avait suppliée de me faire aider et j’avais fini par accepter. Le psychiatre qui m’avait alors pris en charge à l’époque avait décrété au bout de trois minutes et douze secondes que j’étais bipolaire. Refusant son diagnostic, il m’avait fallu trois mois pour me débarrasser de lui, et ce malgré l’aide de mon mari qui avait dû venir à une consultation mettre les points sur les i ! J’avais dû lutter, moi qui ne souhaitais que mourir, contre un mal dont j’ignorais tout mais dont j’étais absolument certaine qu’il n’était pas bipolaire et un psy qui voulait de force me faire prendre des médicaments qui m’auraient à coup sûr fait prendre 30 kilos. Trouvant une nouvelle psychiatre, une femme cette fois, elle posa un vrai diagnostic en plusieurs heures : dérèglement hormonal. Toutes les deux, enfin surtout moi, attaquions un traitement allié à une thérapie et au bout de deux ans, j’étais toujours vivante. 

 

Mais c’était mal connaître la mécanique humaine qui s’enrailla de nouveau et beaucoup plus durablement cette fois. Une mycose, un petit champignon de rien du tout, à cause de je ne sais quoi, un pantalon trop serré, une épilation trop radicale, un string en dentelle. Putain de dictat de la féminité. A sang, ça gratte. Le soir, la nuit, le matin et toute la journée. A sang, ça gratte tout le temps. Mon gynéco de l’époque me prescrit un traitement, s’en suivra alors six ans d’ovules, de crème, de pilules, de gel douche et de poudre de perlimpinpin. Quand ça fonctionnait, c’était pour deux semaines, grand maximum. Je changeais de médecin, celui-là en fin de carrière, avait déjà suivi ma mère enceinte de moi, c’est dire s’il n’était plus tout jeune. J’en trouvais un autre. Puis un autre. Puis un autre. A chaque fois, la même rengaine, expliquer, reprendre tout, recommencer. Le cinquième semble bien, il s’appelle Raoul, je trouve ça cool. Il a l’air de me prendre au sérieux et son traitement, tel qu’il me le décrit, parait efficace. Un peu trop peut-être. En quelques jours, mes gencives s’écorchent, j’avale des morceaux de peau, ma chair se détache de mes joues, je crache du sang, quand ça s’arrête, ce sont des bouts de chair que je pisse. Le traitement dure six mois, c’est un traitement de fond pour mycoses récalcitrantes. 

 

Les rapports sexuels s’espacent. Avec Fabien, mon mari, son prénom aura aussi été modifié pour des raisons que vous comprendrez, on apprend à faire l’amour autrement. On se câline beaucoup et on favorise, par absence de choix, les rapports buccaux puisque toutes tentatives de pénétration est un échec et se solde par une engueulade. Après les cris, on se dit qu’on s’aime et on pleure ensemble, lui et moi, et parfois pendant ce qu’on appelle encore l’amour. Je le supplie de me tromper. Je lui ordonne d’aller baiser une femme, une vraie, une qui peut se faire péter. Une bonne grosse salope qui pourra se prendre sa bonne grosse queue. On devient grossier et puis carrément vulgaire. On se déteste. Il me dit que je suis folle. Qu’il n’est pas comme ça. On pleure. On se demande pourquoi. On se demande ce qu’on a bien pu faire au bon dieu pour mériter un tel sort. On se dit qu’on s’aime et puis on se frotte, l’un contre l’autre. Son sexe sur mon pubis, son sexe entre mes fesses. On appelle ça le frotti frotta. Parfois on rit, parfois on mime la baise, il se met sur moi et on jouit oh oui, on fait comme si. Oh oui ! Oh oui ! On crie, on hurle. Et puis souvent, après, on pleure, longtemps. 

 

Le traitement terminé et mes gencives soignées, la mycose revient, plus tenace qu’une verrue plantaire. Elle me nargue. Elle me prive, nous prive du plus doux des plaisirs et elle fait souffrir, tellement, à en devenir complètement barje. Raoul, le gynéco ne regarde même plus mon trou. Je pleure face à lui, je supplie de m’aider, assis à côté, mon mari me tient la main. Mon mari me tient la main et puis il la serre fort. Et puis, il me l’écrase presque quand le gynéco me suggère de me tartiner le trou de roquefort puisque rien ne marche et qu’il faut bien refaire cette foutue flore. Je crois que je suis encore en face de lui, je crois que mon mari serre encore ma main, je crois que je ne m’en remettrai jamais. Je jure sur la tête de nos deux enfants que c’est ce qu’il nous a suggérés, du roquefort pour refaire la flore. Mon mari, la peau blanche et les yeux exorbités, demande si sa bite est une frite, pour accompagner la moule au roquefort. On se regarde. On se sourit. On se comprend et puis on sort, presque on s’enfuit.  

 

La nouvelle gynéco a l’air douce. Gentille. Pas farfelu comme l’autre. Elle ne s’appelle pas Raoul. Elle parle doucement.  Sur les murs de son cabinet sont accrochées des photos de petits enfants noirs et des masques africains. Autour de son cou, elle a une sorte d’amulette ou de grigri. Elle le tripote pendant que je lui raconte l’histoire du roquefort, elle n’en revient pas. Elle commence à remplir son ordonnance. Elle m’explique, elle dit que le traitement va durer six mois, que c’est un traitement de fond pour mycoses récalcitrantes. Je reconnais le nom du médicament. Elle me dit -ça fait quarante-cinq euros. Chèque ou carte bleue ? Je lui demande si elle ne veut pas regarder mon vagin d’abord. Elle dit d’accord, si vous y tenez. Je retire mon pantalon, j’écarte mes cuisses et j’enfonce mes ongles dans le cuir du fauteuil. Elle introduit un mini spéculum, elle dit que j’ai un petit trou mais que c’est propre. Elle n’est quand même pas bien certaine qu’il s’agisse d’une mycose, pour autant, elle ne change rien à son ordonnance. Ni au prix de la consultation.

 

Comme prévu, le traitement arrache des bouts de peau dans ma bouche et bientôt, je pisse de nouveau des morceaux de chair. Nous ne faisons toujours pas l’amour mais nous pleurons de moins en moins. Nous ne faisons quasiment plus de frotti frotta non plus. Notre dernier enfant à sept ans. Nous sommes devenus, à force du temps, deux amis qui cohabitent. Je ne supporte plus ses mains sur moi et ses mots d’amour encore moins. Je veux qu’il me trompe ou qu’il me quitte. Cette partie de mon corps n’existe plus. Cinquante centimètres ont disparu. J’ai des cuisses et puis directement  après, un nombril. Je n’ai plus de sexe. Je ne suis plus rien. Moins qu’une femme, déjà qu’une femme, c’est pas grand chose. Je pleure souvent. Tous les jours, pour être honnête. 

 

Comme prévu, le traitement ne marche pas. Aucune amélioration et par-dessus le marché et comme si ça ne suffisait pas, mon périnée est fissuré. Comme usé. A chaque fois que je pisse, la fissure s’ouvre et saigne. Le traitement me fout la diarrhée. A chaque fois que je chie, la fissure s’ouvre et saigne. Je ne peux même plus me laver la chatte. L’eau me brûle. Le savon me brûle. Ma pisse me brûle. Je dors tout habillée pour ne pas tenter Fabien qui, allongé à mes côtés, silencieux et en pudeur, souffre autant que moi, mais d’une autre manière. 

 

Dépitée, anéantie, au bout de ma vie, je cherche une nouvelle solution. Puisque le problème ne semble pas venir de mon vagin, pas besoin de faire bac plus douze pour en arriver à cette putain de conclusion, je me dis que peut-être, il est intestinal. En en parlant autour de moi, j’explore des pistes, celle-là ne semble pas totalement dénuée de sens. Le rendez-vous pris, me voilà donc attablée au bureau d’un gastro-entérologue. Il me demande s’il peut regarder mon trou de balle. Il me demande s’il peut mettre un doigt dans mon cul. Je lui dis que je ne suis plus à ça prêt et que pour une fois, je n’ai pas à réclamer. Je pense à papa qui fait beaucoup pipi et à qui on a suggéré de passer une échographie des couilles. Je pense à papa et à sa phobie qu’un jour un médecin lui enfonce un doigt dans le cul. Je pense à tout ça en ôtant mon pantalon et en baissant un peu ma culotte et puis je m’allonge en refreinant mes larmes. Allez ma grande, un doigt dans le cul, ça n’a jamais tué personne ! 

 

Le doigt du docteur me fait l’effet d’une décharge électrique et je finis la gueule contre le mur. Je pleure, je m’excuse, je demande pardon. Il me regarde, son doigt en l’air comme s’il cherchait d’où vient le vent. Il me dit qu’il n’a pas terminé, qu’il faut qu’il remette son doigt dans mon cul. Je fais le petit chien, comme pour la préparation des cours à l’accouchement. J’essaye de me détendre mais avec le doigt du docteur dans mon trou de balle, j’ai un petit peu de mal. J’entends le caoutchouc du gant claquer, il me dit que je peux me rhabiller, qu’il a terminé. Les larmes aux yeux, je me refroque. 

 

Le gastro-entérologue me prescrit un petit bilan sanguin. Il dit que pour lui, le problème n’est pas vaginal. Je suis assise face à lui, de biais, il demande pourquoi je me tiens comme ça. Je suis sans filtre. Je lui réponds -c’est gênant, mais franchement, vous m’avez pété le cul. Il demande à me voir debout. Il demande si mon bassin va bien. Je lui dis non. Que mon dos et mon bassin me réveillent en sursaut tous les matins, depuis des années, en pleine nuit aussi et qu’ensuite, je dois me lever parce que la position couchée est insupportable. Il réfléchi, le doigt qu’il vient d’enfoncer dans mon cul est posé sur sa bouche. Il dit qu’il sait, mais que seul un rhumatologue peut me prescrire les examens. Je demande si c’est une blague. Je lui rappelle qu’il est médecin, que je ne comprends pas. Il m’explique que les médecins sont susceptibles et que chacun ayant sa spécialité, aucun ne peut marcher sur les plates bandes de l’autre. Je redemande si c’est une blague. Il me redit que non. Selon lui, c’est mon bassin, déboîtée le jour de ma naissance, qui écrase mon nerf honteux, et c’est ce même nerf honteux qui crée des névralgies anales et vaginales. D’où mon saut contre le mur au moment du doigt dans le cul, d’où l’impossibilité de toute pénétration, d’où ma position assise en biais, d’où les douleurs dans le dos et le bassin. Et les années de traitements, tout aussi inutiles que violentes, n’ont fait qu’abimer mon périnée, d’où la fissure maintenant. 

 

Je fais réaliser son micro bilan sanguin et ajoute, à mes frais puisqu’aucun médecin jusqu’alors ne l’avait fait, d’autres analyses sanguines et un prélèvement vaginal et une analyse de selles. J’en ai pour cent-cinquante euros, non remboursés par la sécurité sociale en absence d’ordonnance. Les résultats me reviennent au bout de quelques jours. Impeccable. Je pète le feu, mon petit trou n’a rien, mon sang va bien, ma merde va bien, tout est parfait. Tout est absolument parfait et normal mais nous ne faisons toujours pas l’amour. Et pour être honnête, le sexe ne fait plus partie de nos vies. Pas plus anal que vaginal ni même buccal. Il ne reste que les larmes dans le fond du grand lit de la chambre parental. On se dit que c’est la vie et puis on continue. On se dit qu’on s’aime encore malgré tout cela et qu’on a quand même, dans notre malheur, beaucoup de chance. Surtout moi. Mais je ne peux pas le lui dire, ça me fait trop de mal.

 

J’ai consulté la semaine dernière un rhumatologue. J’avais pris rendez-vous trois mois auparavant et j’ai manqué d’arriver en retard. Je me suis garée en faisant un créneau que j’ai réussi du premier coup mais le numéro 12 était à l’autre bout de la rue, moi j’étais garé devant le 84. La poisse. Je suis arrivée essoufflée et en sueur, j’ai à peine eu le temps de m’asseoir en salle d’attente que déjà, la secrétaire venait me chercher. Le rhumatologue s’appelait Jean-Claude Bisson et il était chinois. Il m’a dit de m’asseoir quand j’ai demandé si j’étais au bon endroit. Il a demandé quoi madame faire ici. J’ai expliqué. Mon bassin déboité, mes mycoses qui n’en étaient pas, le nerf honteux, les névralgies, les douleurs la nuit et le matin. Il a dit moi pas vouloir savoir et avec sa main il a fait un signe qui voulait dire ta gueule madame. Ces yeux étaient tellement bridés  qu’on en voyait à peine l’iris mais moi je me disais que malgré cette minuscule fente, son regard était méchant. Il a dit toi retire habits. Pantalon ici, pull là. Toi culotte et soutif. Assis ici madame. Alors j’ai fait comme il a dit. J’ai retiré et puis posé mes vêtements sur la chaise qu’il avait désigné de la même main qui m’avait dit de me la fermer et je me suis assise. Il a fait craquer à gauche et puis craquer à droite. Il a dit détends toi madame, fais confiance, mou mou. Et puis crac, mon dos à craqué. Après il a dit toi sur le ventre et il m’a roulé comme un sushi. Après il a dit toi à califourchon jambe là, jambe là, alors j’ai fait moi à califourchon, jambe là et jambe là. Il a fait comme les ninja, genre coup du lapin, crac crac, à droite à gauche. Après il a dit, remets ventre là et il a décidé qu’il allait m’emmancher des aiguilles dans le dos ! J’ai dit oh ! Doucement bijou, moi pas prête ! Il a dit d’accord pas acuponcture alors. J’ai répondu que si, que si, moi plus vouloir avoir mal. Je parlais chinois. Alors je me suis allongée, il a piqué cinq aiguilles dans la chair de mon dos, il a dit pas bouger madame et puis il est parti. 

 

J’ai attendu. Cinq puis dix puis vingt minutes. La secrétaire, qui m’avait trente minutes plus tôt accueillie, a toqué à la porte. Elle a ôté les aiguilles, m’a dit de me rhabiller puis m’a demandé soixante euros, en précisant que le remboursement était sur la base de vingt-trois euros et que dans la mesure où j’étais venue de mon plein gré, sans lettre de mon médecin traitant, je ne serai quasiment pas remboursé. J’ai dit tant pis. Elle a dit que le docteur chinois voulait me revoir la semaine suivante. J’ai dit non merci. J’ai repris mes radios, mes IRM et mon bilan sanguin et puis je suis partie. En remontant la rue, du numéro 84 au numéro 12, j’ai appelé Fabien et j’ai pleuré. J’ai dit -putain de chintok ! il m’a planté ses 5 aiguilles dans le cul et il s’est cassé. J’ai dit -il a même pas voulu m’écouter. J’ai dit -comment je vais faire moi maintenant. Fabien ne disait rien mais j’entendais quand même qu’il était bien emmerdé pour moi. Il a dit qu’il m’aimait, qu’on allait trouver une solution. J’ai reniflé un coup et j’ai dit que je devais raccrocher, que j’allais prendre le volant, que c’était pas prudent. C’était un vendredi. J’ai décidé qu’on n’en parlerait plus. 

 

En rentrant, j’ai bu une bière, une blonde. Ma frangine m’a appelé et je lui ai tout raconté. A elle, je pouvais. Je lui ai dit que j’étais qu’une pauvre fille imbaisable. Que même Le Pen devait être plus baisable que moi même si j’avais entendu Serge Gainsbourg dire le contraire. J’ai dit des horreurs. J’ai dit que je valais moins qu’une merde de chien. Elle a écouté et comme Fabien un peu plus tôt, elle ne disait rien. Et comme Fabien un peu plus tôt, je sentais bien qu’elle était vachement emmerdée elle aussi. Elle a dit -venez déjeuner dimanche. Alors je suis allée chez le fleuriste pour ne pas arriver les mains vides et en vitrine, un aloè véra me faisait de l’œil. 

 

Je me suis approchée, je l’ai touché, j’ai dit à la fleuriste que j’avais entendu parler de ses vertus médicinales. Elle m’a expliqué. Tout. Même ce que je n’avais pas demandé. Elle m’a dit qu’elle ne voulait pas d’épisiotomie pour son accouchement,  mais qu’elle avait été déchirée sur sept centimètres. Avec ses doigts elle m’a montré ce que ça faisait sept centimètres. Comme si je savais pas. Elle a ajouté que la cicatrice était tellement épaisse et douloureuse qu’elle ne pouvait même plus s’asseoir, ça a duré deux bons mois. Avec ses doigts, elle m’a fait deux, index et majeur levés. Comme si je savais pas. Elle a dit qu’aucune crème n’avait été aussi efficace que son petit aloé vera. Et cette fois, elle a réuni son pouce et son index pour former un rond, ça voulait dire parfait. Elle s’est livrée à moi, elle poursuivit -en quelques jours, la cicatrice avait presque disparue, emportant avec elle la douleur. Elle s’est livrée à moi et tout ce que je pensais, c’était à ma propre fissure. Ma déchirure à moi. Alors, sans trop y croire, j’ai acheté deux aloés, promettant la main sur le cœur que si ça marchait, je referai deux mômes et je les appellerai Aloé et Véra. On a ri très fort dans la boutique de fleurs et même les pétales dans leur inflorescence s’en donnaient à cœur joie. 

 

Il était onze heures quand avant d’aller déjeuner chez ma sœur, j’ai fait comme elle m’a montré. J’ai ouvert l’aloé vera, je l’ai épluché, j’ai récupéré la gelée avec mes doigts et je m’en suis tartiné les grosses et les petites lèvres, j’en ai mis aussi un peu dans mon petit trou. C’était tout doux et gluant à la fois, ça sentait un peu les aisselles sales mais croyez-moi,  ça ne m’a pas empêché d’en mettre un gros paquet. Pendant le déjeuner, j’étais assise, au soleil, face à ma sœur. On se racontait des conneries, des trucs de frangine, des trucs qu’on ne peut dire qu’à sa sœur. Des trucs comme ce que vous êtes en train de lire depuis tout à l’heure. J’avais mes lunettes sur le nez et mes cheveux relevés, j’étais bien comme ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi bien. J’étais bien comme si je pressentais que tout allait enfin s’arranger. Le matin juste avant de m’en étaler partout, j’avais pris une décision ; l’aloé sera mon ultime tentative. Après ça, si ça ne marchait pas, je quitterai Fabien. C’était décidé. Il méritait mieux qu’une femme avec un tout petit trou. Il méritait une ouverture béante ! Le gouffre de Padirac, trente-cinq mètres de diamètre, quarante kilomètres explorés et à cent-trois mètres de profondeur, une rivière souterraine. Voilà ce qu’il méritait mon Fabien. Vous ne me croirez sûrement jamais, là, devant ma sœur et ma chipolata, c’était la première fois depuis des mois que la douleur se taisait. Elle avait fait comme moi quand le chinois m’avait fait chut !Je vous jure que c’est vrai, je sentais la fissure se refermer sur elle-même. Je vous jure que c’est vrai. Le lendemain, elle avait disparu et deux jours après, on n’en parlait déjà plus. Et hier, avec Fabien, on a même fait l’amour. C’était bien comme une première fois. La peur et l’amour et l’excitation, tout ça mélangé. Et à la fin, on a même pleuré, mais cette fois, c’était de joie. 

 

 

 

 

Courrier du CÅ“ur.

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